- ivre
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1 ♦ Qui n'est pas dans son état normal, pour avoir trop bu d'alcool; qui est saisi d'ivresse. ⇒ aviné, enivré, soûl; fam. 1. beurré, blindé, bourré, brindezingue, cuit, cuité, noir, 2. paf, pété, pinté, plein, rond, 1. schlass; région. paqueté. Complètement ivre, ivre mort, ivre morte. « Il était ivre, bestialement ivre; il ne pouvait plus ni se tenir, ni parler » (Baudelaire). Légèrement, à moitié ivre. ⇒ éméché, gai, gris, 2. parti, pompette.♢ Par ext. Étourdi, grisé. Ivre de fatigue. Ivre de sang, de rage. « Ivres de lumière et de chaleur » (France ).2 ♦ Transporté hors de soi (sous l'effet d'une émotion violente). Ivre d'amour, de bonheur, de colère, d'orgueil. « J'attendais la tombée du soir, ivre d'immensité, d'étrangeté, de solitude » (A. Gide).⊗ CONTR. Lucide, sobre.Synonymes :- bourré (populaire)- éméché (familier)- émoustillé- enivré- gris- grisé- noir (populaire)- paf (populaire)- pâmé- parti (familier)- pété (populaire)- pompette (familier)- rond (populaire)- saoul (familier)Contraires :- à jeun- sobreQui est exalté par un sentiment, une idée, etc., au...Synonymes :- enragé- fou- passionné- transportéivreadj.d1./d Dont le comportement, les réactions sont troublés par les effets de l'alcool. Ivre mort: ivre au point d'avoir perdu toute conscience.Syn. Fam. soûl.d2./d Fig. Ivre de: exalté, transporté hors de soi (par les passions). Ivre de jalousie.⇒IVRE, adj.A. — Qui est physiquement et mentalement troublé par l'absorption excessive de boissons alcoolisées. Synon. aviné, éméché, gris, noir, paf (pop.) pompette (fam.), soûl. Ivre et bégayant, balbutiant, débraillé; ivre d'alcool, d'eau de vie, de gin, de vin; soldat, matelot ivre. Isidore était ivre, ivre et abruti par huit jours de saoulerie, ivre et dégoûtant à n'être pas touché par un chiffonnier (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Rosier Mme Husson, 1887, p. 695). Il se relève et demeure vacillant comme un homme ivre (CLAUDEL, Part. midi, 1906, II, p. 1025) :• 1. Il était ivre, effroyablement. Sa face congestionnée se coupait d'un large rire. Une flambée d'alcool luisait dans ses yeux : trébuchant à chaque pas, il se rattrapait aux tables, aux chaises avec des gestes maladroits.MOSELLY, Terres lorr., 1907, p. 49.♦ Ivre mort. Ivre au point de paraître mort. Bien qu'il n'eût que quatre-vingt-quatre ans, trois ans de plus qu'elle, il lui semblait d'une vieillesse ridicule, dépassant les bornes permises. Et un homme qui vivait dans les excès, qui était ivre mort chaque soir, depuis soixante ans! (ZOLA, Dr Pascal, 1893, p. 200).— P. anal.♦ Qui est mentalement troublé par l'absorption d'une substance toxique. Il faut que je vous dise quelques mots du village de Broeck, qui est bien la fantaisie la plus cocasse que jamais Chinois ivre d'opium ait pu rêver (DU CAMP, Hollande, 1859, p. 152).♦ Qui est troublé par l'absorption excessive de certaines substances. L'abeille est ivre de rosée; Mai rit, dans les fleurs attablé (HUGO, Chans. rues et bois, 1865, p. 95). Par moment, une abeille, passant aux fentes des contrevents, s'en venait du jardin, et ivre de pollen et poussiéreuse allait et se cognait aux verres qui tintaient sous le choc (RAMUZ, A. Pache, 1911, p. 147) :• 2. Là, debout sur une de ces petites collines de débris qui avoisinent le Kaire, il est aisé de s'exercer au tir sur ces gros oiseaux rapaces ivres de sang et alourdis par l'abondance de leurs dégoûtantes ripailles.DU CAMP, Nil, 1854, p. 46.B. — Au fig. [Sous l'effet d'une passion, d'un sentiment violent] Qui est troublé. Ivre d'amertume, d'amitié, d'amour, de colère, de désespoir, de douleur, d'espoir, d'horreur, de joie, d'orgueil, de plaisir, de rage, de vengeance, de volupté. La nuit Frissonnante descend sur le jardin qui rêve; Elle se pose, endort l'herbe; l'arbre s'apaise; Et désormais, parmi l'immobile feuillage, Le cœur ivre et gonflé reste seul inquiet (Ch. GUÉRIN, Cœur solit., 1904, p. 60). Tu dors, Robespierre, tandis que des criminels ivres de fureur et d'effroi méditent ta mort et les funérailles de la liberté (FRANCE, Dieux ont soif, 1912, p. 280) :• 3. ... je contemplai avec admiration le spectacle inconnu jusqu'ici d'un monarque étranger reçu comme un bienfaiteur dans la capitale d'un état conquis et délivré par ses armes, recueillant avec la plus touchante modestie les hommages dont on l'environne, et répondant aux acclamations d'un peuple ivre de reconnaissance par la délivrance de deux cent mille prisonniers français que le sort de la guerre a fait tomber entre ses mains.JOUY, Hermite, t. 5, 1814, p. 191.— P. ext. Exalté, transporté. Merci de la coupe de vin que tu m'as donnée, le premier soir de ton chant. Depuis je n'ai plus cessé d'être ivre de bonheur et de malheur (BARRÈS, Jard. Oronte, 1922, p. 230). Je me penchai vers Jeanne et je l'embrassai; elle était à moitié endormie, à moitié dans un rêve, elle ne résista guère que comme un oiseau qu'on étouffe. Je me rappellerai toute ma vie ces lèvres humides, tâtonnantes et froides. Je n'étais pas beaucoup plus adroit qu'elle, mais je me sentis ivre comme si j'avais remporté une grande victoire (NIZAN, Conspiration, 1938, p. 223) :• 4. Je suis ivre de la beauté des choses de la mer et je m'efforce d'en saisir l'âme aventureuse et triomphale... Relisez l'admirable Bateau ivre [it. ds le texte] pour comprendre. Cette poésie est étonnante, véridique et un peu folle — comme la boussole.VALÉRY, Corresp. [avec Gide], 1891, p. 116.♦ [En parlant d'idées] Passionné. Il aime les sectes, les pseudo-communautés, parce qu'elles sont faites à son image, rigides, exclusives, ivres d'abstractions (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 481).Prononc. et Orth. : []. Ac. 1694, 1718 yvre, puis i-. Étymol. et Hist. 1. Ca 1140 « dont l'esprit est troublé par le vin » (Pèlerinage de Charlemagne, 650 ds T.-L.); 2. 1180 « qui a perdu le sens comme une personne ivre » (AIMON DE VARENNES, Florimont, 7741, ibid. : Non, mai ge sui de parler ivre); id. « exalté par une passion violente » (id., 7956, ibid. : Tu ais le cuer d'amor tot ivre). Du lat. ; la voyelle initiale est due à l'infl. du yod de ebriu; cette explication convient également à l'a. prov. ibre, ivre, v. FOUCHÉ, pp. 411-412. Les parlers gallo-romans préfèrent, comme le fr. pop. des mots plus expressifs plein, soûl, rond, etc. Fréq. abs. littér. : 1 971. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 1 853, b) 3 310; XXe s. : a) 3 965, b) 2 641. Bbg. STEINMETZ (H.). Galloromanische Bezeichnungen für betrunken... Bonn, 1978, pp. 6-9.ivre [ivʀ] adj.ÉTYM. V. 1140; du lat. ebrius (→ Ébriété); cf. l'anc. provençal ibre, ivre, aussi avec l'initiale i expliquée par le yod de ebrius.❖1 Littér. ou style soutenu. (Personnes). Qui a trop bu d'alcool et notamment de vin; qui est saisi d'ivresse. ⇒ Ébriété; aviné, soûl, fam. beurré, bituré, blindé, bourré, brindezingue, bu, cuit, cuité, hourdé, mûr, noir, paf, pété, pinté, plein, poivre, rond, 1. schlass. || Il est ivre, complètement ivre. ⇒ Boire (avoir bu), brinde (être dans les brindes), brosse (être en), caisse (avoir, prendre une), cocarde (avoir sa), compte (avoir son), plumet, pompon (avoir son); → Accoster, cit. 2; épouvanter, cit. 3; faiseur, cit. 1; fait, cit. 4; fête, cit. 4; gris, cit. 16 et 17; homme, cit. 98. || Cuver son vin, avoir la gueule de bois pour avoir été ivre. || À moitié, à demi, aux trois quarts ivre. ⇒ Éméché, gai, gris, parti, pompette (→ Enfler, cit. 16; gaillardise, cit. 2; être casquette, vx). — ☑ (1530). Vx. Être ivre comme une soupe (I., 2.). — ☑ Loc. cour. Ivre mort ou ivre-mort : ivre à ne pouvoir agir, se mouvoir. — ☑ Ivre à rouler, à tomber sous la table. — Ivre de… || Ivre de vin, de bière, d'alcool. — Homme habituellement ivre. ⇒ Ivrogne. ☑ Loc. Ilote (cit. 4) ivre. — Bacchante ivre. — Par compar. || Chanceler, tituber comme un homme ivre.1 Il vaut mieux ivre se coucherDans le lit, que mort dans la tombe.Ronsard, Odes, IV, XXIV.2 Je m'élançai vers lui et le relevai. Il était ivre, bestialement ivre; — il ne pouvait plus ni se tenir, ni parler, ni voir.Baudelaire, Trad. E. Poe, « Aventures d'A. G. Pym », I.3 Il (Grantaire) réalisait, dans toute son énergie, la vieille métaphore : ivre-mort. Le hideux philtre absinthe-stout-alcool l'avait jeté en léthargie.Hugo, les Misérables, V, I, XXIII.4 Je sais, nous avons, en France, pour l'homme ivre de vin, pour Silène, pour le pochard, tout au moins quand il reste gai, une indulgence bien coupable.G. Duhamel, Scènes de la vie future, V.♦ ☑ Allus. littér. Le sauvage ivre, formule de Voltaire, évoquant le caractère irrégulier et brutal du théâtre Shakespearien (→ Fruit, cit. 42). — || « Quand Auguste buvait, la Pologne était ivre » (→ 1. Boire, cit. 14, Voltaire).2 (1180, je suis de parler ivre). || Ivre de…a Qui est exalté ou étourdi (comme une personne ivre) à cause de… ⇒ Enivré, grisé. || Soldatesque ivre de sang, de carnage. || Danseuse ivre de mouvement (→ Exprimer, cit. 40). || Être ivre de fatigue.5 (…) laissez les écoliers ivres de leur première pipe chanter à tue-tête les louanges de la femme grasse (…)Baudelaire, Essais, Notes et Fragments, Choix de maximes consolantes sur l'amour, I.6 (…) les mouches, ivres de lumière et de chaleur (…)France, le Crime de S. Bonnard, II, Œuvres, t. II, p. 349.♦ Animaux. || « Abeille ivre de rosée » (Hugo). || « Ces gros oiseaux rapaces ivres de sang » (Maxime du Camp, in T. L. F.).b (1180, ivre d'amour). Qui est transporté hors de soi (sous l'effet d'une émotion ou passion violente). || Ivre de joie, d'amour, d'enthousiasme (cit. 23), de bonheur, d'épouvante (cit. 5), de désir, de colère, de vanité, d'orgueil, d'audace, de tristesse (→ Chaîne, cit. 14; esclave, cit. 15; grelotter, cit. 3; histrion, cit. 5).7 (…) dès que cette reine, ivre d'un fol orgueil (…)Racine, Athalie, V, 3.8 (…) il s'affaisse et chancelle,Ivre de volupté, de tendresse et d'horreur.A. de Musset, Poésies nouvelles, « Nuit de mai ».c (1671). Vieilli ou littér. Qui est exalté (par une idée, une activité…). ⇒ Transporté, troublé. || Ivre de beauté (→ Exalter, cit. 28). || « Ivres d'un rêve héroïque et brutal » (→ Capitaine, cit. 4). || Hommes de la Renaissance tout ivres du renouveau des sciences et des arts (→ Hybride, cit. 7). || Ivre de son importance, de ses titres. — Un mystique ivre de Dieu.9 Gens qui de leur savoir paraissent toujours ivres (…)Molière, les Femmes savantes, IV, 3.10 (…) M. Fou(c)quet, qui était ivre de sa faveur, et qui a soutenu héroïquement sa disgrâce (…)Mme de Sévigné, 638, 18 août 1677.10.1 Il (Balzac) a sa chambre qui donne sur des champs de vigne ensoleillés, et là il travaille, il ne descend que pour le dîner, ivre-fou de tout ce qu'il a écrit, le regard fixe encore, les mouvements un peu exaltés, répandant sur chacun un peu de son exaltation et de sa joie attendrie, car on ne se réveille de l'inspiration, comme du chloroforme, que progressivement.Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 485.11 (…) les grandes dunes où parfois j'attendais la tombée du soir, ivre d'immensité, d'étrangeté, de solitude, le cœur plus léger qu'un oiseau.Gide, Si le grain ne meurt, II, II.d Sans compl. en de (aux sens a, b ou c). || Un fracas (cit. 4) qui laisse les hommes sourds et ivres.♦ Rare et littér. (Choses). || Le Bateau ivre, poème de Rimbaud.❖CONTR. Calme, froid (tête froide), lucide, sobre.DÉR. Ivresse. — Cf. Ivraie, ivrogne.COMP. Enivrer.
Encyclopédie Universelle. 2012.